Les rumeurs de fusion entre les opérateurs de l'Etat dans le domaine des nouvelles technologies dans l'enseignement supérieur vont bon train. Le grand absent : le dialogue social et la réalité du travail des agents. Une démarche inacceptable !
L’ABES, le CINES, l’AMUE, RENATER… dans l’enseignement supérieur, ce sont des sigles peu connus du grand public mais qui sont tout à fait familiers aux professionnels des technologies de l’information, pour lesquels ils sont un interlocuteur quotidien. Ce sont, surtout, des opérateurs nationaux qui ont permis d’impulser, de coordonner et d’encourager la transition numérique des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Transition pour laquelle l’ESR a été largement en avance sur le reste de la société et de l’économie : n’oublions pas que c’est par l’ESR qu’Internet arrive en France, que les systèmes de partage d’information se développent, que la culture de la standardisation et de la mise en commun se diffuse, plutôt que celle de la fermeture et du secret.
Ces différents opérateurs sont de nature différente et ont des missions bien distinctes :
- L’ABES, agence bibliographique de l’enseignement supérieur, a pour principale mission la mise en commun des informations des bibliothèques universitaires. Le SUDOC, portail commun d’accès à leurs catalogues, est un outil précieux et indispensable pour les chercheurs et permet de faire des fonds documentaires considérables de ces bibliothèques un bien commun pour l’ensemble de la communauté.
- Le CINES, centre informatique national de l’enseignement supérieur, permet de mettre à la disposition de la communauté, pour les applications scientifiques particulièrement exigeantes, des puissances de calcul que chaque établissement ne pourrait déployer à son compte.
- L’AMUE, agence de mutualisation des universités et des établissements, est pilote du développement et du déploiement de systèmes d’information et d’applications métiers liées aux missions des établissements d’enseignement supérieur.
- Enfin, RENATER a permis d’assurer la massification des interconnexions à très haut débit des établissements, d’abord en assurant l’interconnexion de plaques régionales développées souvent à l’initiative des établissements et leur raccordement à l’Internet européen et mondial, puis en intégrant et modernisant ces plaques régionales.
Ce sont donc des opérateurs bien différents, par leur missions comme par leurs statuts et chacun a permis, dans le secteur d’activité qui lui est propre, au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche d’être un pionnier de la transformation numérique.
Toutefois, ces réussites pèsent peu au regard de la recherche tous azimuts d’économies budgétaires. Trois d’entre eux (ABES, CINES et AMUE) ont en commun d’avoir leur principale implantation à Montpellier. L’hypothèse de leur reconfiguration se fait extrêmement insistante, et pourrait donner lieu à des annonces ministérielles très prochainement. Cela pourrait aboutir à la fusion de tout ou partie d’entre eux. Mais avec quel périmètre, quelles missions, et quels services offerts à l’ESR?
Les établissements d’enseignements supérieurs et de recherche ne pourraient, dans l’état actuel de leurs ressources, assumer ces missions supplémentaires.
Ce bouleversement possible de leur conditions de travail est bien entendu extrêmement anxiogène pour les agents concernés. Car les grands oubliés, dans l’affaire, ce sont eux. Ni information claire, ni dialogue social, ni même prise en compte de la réalité de leur travail: le possible bouleversement de leurs collectifs de travail s’écrit sans eux. Les différences de statuts, de missions ou d’expertise semblent peser bien peu face aux contraintes budgétaires.
Une telle ignorance de la réalité de ces établissements est génératrice de souffrance professionnelle pour des agents qui ont beaucoup donné pour la modernisation de l’enseignement supérieur.
Pour la CFDT, une reconfiguration de ces opérateurs, si tant est qu’elle soit nécessaire, ne peut se construire sans les agents, et encore moins contre eux. Il est urgent d’ouvrir le dialogue social et de prendre en compte les réalités du travail de nos collègues. La fédération CFDT éducation, formation, recherche publiques et son syndicat d’Occitanie – Montpellier y seront particulièrement attentifs.