Par Denis Perrin, journaliste, membre du conseil d'administration de la Maison des journalistes.
Basée à Paris et dirigée par Darline Cothière, la Maison des journalistes (MDJ) accueille et accompagne des professionnels des médias contraints de fuir leurs pays. Dans le même temps, la MDJ mène une action baptisée « Renvoyé Spécial ». Ce programme s’est développé depuis plus de dix ans principalement dans les lycées, en partenariat avec le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi), la région Ile-de-France et Presstalis (diffuseur de presse). Parallèlement le programme a été adapté aux jeunes de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), avec le soutien des ministères de la Culture et de la Justice.
Sous la pression des événements
Les attentats en France et les tensions internationales poussent les humanistes à s’interroger sur leur rôle. La nécessité d’agir s’impose à eux au nom de principes gravement mis en cause dans les pays en guerre, dans les dictatures mais aussi dans nos démocraties sous la pression de sombres tentations extrémistes. Suivant l’esprit de résistance qui la caractérise, la MDJ mobilise donc médias libres, enseignants et personnalités du monde de la culture (dont on trouve la liste sur le site http://www.maisondesjournalistes.org).
Hicham Mansouri : “ Au Maroc, il règne une illusion de pluralisme ”
Hicham Mansouri tient un blog via Mediapart et participe à www.justicemorocco.wordpress.com. Journaliste exilé, il est accompagné par la Maison des journalistes à Paris. Ce descendant de nomades berbères a dû quitter le Maroc après deux agressions, dix mois de prison et la menace d’un procès en attente.
Comment percevez-vous les médias français ?
En France, je suis devant un paysage médiatique pluraliste avec une information diversifiée et contradictoire où tout le monde s’exprime, contrairement à ce qui se passe au Maroc. En France, je vois des débats en direct, je lis des enquêtes documentées. Je vois aussi, néanmoins, que certains jettent le doute sur les journalistes, mais très souvent sans argument fiable. On peut contester les méthodes, les dates de publication mais, comme a dit une personnalité : « quand le repas est prêt, il faut le servir ». C’est l’information qui prime dès lors que les éléments qui la constituent sont réunis.
Quelle est la réalité de la presse au Maroc, selon vous ?
Il y règne une illusion de pluralisme. Le contrôle s’y effectue de manière subtile. À la télévision, les opposants n’ont pas droit à la parole. Quant aux aides d’État à la presse écrite (peu lue vu notre taux d’analphabétisme), elles sont discriminatoires et profitent aux médias proches du pouvoir.
Vous intervenez dans les lycées en France à travers le programme « Renvoyé Spécial »…
Oui. Ce programme de la Maison des journalistes me donne l’occasion de rencontrer des adolescents dont les réflexions, parfois, me surprennent. Ils sont plutôt pragmatiques. Ainsi, certains m’ont interrogé sur les modèles économiques de la presse, délaissant toutes les autres notions, politiques ou philosophiques. C’est l’occasion aussi de rencontrer des enseignants très motivés. Je voudrais les remercier pour leur travail d’accompagnement des élèves qu’ils aident à comprendre la réalité complexe du monde… quitte à les choquer parfois. Mais il faut bien leur montrer ce que le mot « réalité » recouvre.