CAPN des médecins de l’Éducation nationale : déclaration liminaire du Snamspen/Sgen-CFDT

CAPN des médecins de l'Éducation nationale du 18 juin 2019 : déclaration liminaire des élu·es du Snamspen/Sgen-CFDT

médecins de l'Éducation nationaleDéclaration liminaire du SNAMSPEN/Sgen-CFDT

Face à l’administration centrale en charge des ressources humaines

CAPN du 18 juin 2019

 

Nous sommes à nouveau devant notre administration pour traiter des carrières et des conditions d’exercice des médecins de l’éducation nationale.

On rappellera pour cela que le SNAMSPEN/Sgen-CFDT a été reçu par les conseillers du ministre de l’éducation nationale en juillet 2017 et en décembre 2017. Une lettre a été adressée au ministre de l’éducation nationale en mai 2018, sans réponse. Nous avons été longuement reçus par le directeur des ressources humaines le 28 janvier 2019, sans réponse à nos alertes et questions jusqu’à ce jour. Audiences, lettre, alerte médiatique, rapport des plus hautes instances, contact effectué par le ministère de la santé pour défendre notre cause : l’éducation nationale reste sourde à la dégradation des conditions d’exercice des médecins de l’éducation nationale, à la déliquescence de leurs missions de service public, au mal être de plus en plus grand de ses médecins.

Le ministère reste sourd à la dégradation des conditions d’exercice des médecins de l’éducation nationale…

476 postes de titulaires non pourvus en 2019, contre 413 en 2018. Les médecins scolaires de moins en moins nombreux sur certains territoires vont mal, très mal. Les arrêts maladies se multiplient, mêmes chez les jeunes médecins.

Notre ministre, ses conseillers, n’ont pas daigné répondre à nos alertes sur la détérioration des conditions d’exercice.

Aucune proposition de réorganisation des personnels n’a été faite ou acceptée pour faire face à cela.

Aucun changement de tutelle nationale envisagée pour lutter contre l’hétérogénéité des territoires des conditions d’exercice, des salaires, et du service public rendu.

Aucun renforcement des effectifs médicaux par les seules mesures urgentes qui fonctionnent et mises en œuvre par la seule l’académie d’Aix-Marseille. Rémunérés correctement, une dizaine de médecins ont été recrutés en 3 ans dont 4 ont passé le concours national depuis, et ce, malgré la concurrence avec les recrutements de la PMI à un niveau de salaire un peu plus élevé.

La diversité de notre exercice médical, l’expertise mobilisée pour l’élève et la communauté éducative, l’organisation du temps de travail sont attractifs pour les jeunes médecins et le salariat médical a le vent en poupe :
62% des jeunes diplômés choisissent le salariat (Source atlas de démographie du CNOM 2018). Pourtant l’éducation nationale a perdu 25% de ses médecins titulaires -avec 32% de postes vacants début 2019 : source AMIA- sur la période entre 2010 et 2018, alors que le nombre de médecins exerçant en salariat exclusivement a augmenté de 9.6% sur la même période !

62% des jeunes diplômés choisissent le salariat. L’Éducation nationale a pourtant perdu 25% de ses médecins titulaires.

Contrairement aux réponses faites par l’éducation nationale aux députés et sénateurs qui s’inquiètent des effectifs de la médecine scolaire, il n’y a aucun problème de démographie médicale sur la médecine salariée en France !

Malheureusement, à l’éducation nationale, des salaires volontairement plafonnés afin qu’ils ne dépassent pas ceux des autres personnels administratifs et enseignants, des conditions matérielles vétustes, une organisation des ressources humaines reconnue défaillante quant aux missions de santé, sont autant de freins pour attirer réellement les jeunes médecins, ou les garder longtemps.

L’hétérogénéité des territoires quant à la présence de médecins scolaires est là. Entre absence totale de médecin scolaire, et effectifs quasi complets, les services à la population sont terriblement aléatoires et injustes, au même titre que ce qu’offre la PMI dont la gestion dépend de chaque département.

L’absence de réponse à nos questions sur la transparence des budgets académiques nous interpelle…

Les ressources humaines médicales, placées sous la gestion de l’éducation nationale, ou celles du département pour les PMI, ne sont pas mises en capacité de faire face aux besoins des populations, ni même aux tâches administratives imposées.

Les diagnostics des troubles des apprentissages ne sont pas faits, souvent révélés au collège par des manifestions psychiques. L’élève est contenu dans ses difficultés.

C’est ainsi que l’explosion des demandes d’accompagnement humain, dans les classes, impacte le budget 230 « vie de l’élève » qui concernent les personnels AESH mais également les médecins de secteur.

Comment ne pas penser que les budgets inutilisés, faute de médecin recruté, sont utilement réutilisés pour d’autres personnels, jugés plus utiles par les académies ou méritant d‘être valorisés par des primes qui trouvent leurs supports dans ce budget ? L’absence de réponse à nos questions sur la transparence des budgets académiques nous concernant nous interpelle toujours…

Une formation statutaire désormais inadaptée et décalée…

La scission entre la DGESCO et la Direction des Ressources Humaines, amène à faire perdurer une formation statutaire désormais inadaptée et décalée, sans prise en compte des réalités d’exercice.

La formation en santé publique, qui a fait de nous des acteurs du territoire et de la santé collective, n’est pas mobilisable pour la grande majorité des médecins scolaires sur les secteurs. Nous devons, avant toute chose, satisfaire des demandes administratives, souvent sans réel apport pour la santé des élèves.

Nous aurions pu être des acteurs concourant valablement à l’épidémiologie. Là encore le logiciel Esculape nous a été imposé, sans accord des représentants des personnels.

Il n’est en rien un outil facilitateur pour les médecins actuellement, comme se plait à dire notre ministre mal informé. Ce logiciel, certainement perfectible, aggrave actuellement les difficultés d’exercice faute d’un manque d’ergonomie et du temps allongé pour la saisie des informations demandées. Celles-ci ne cessent de s’accroitre. Les médecins ne peuvent y intégrer leurs notes personnelles réglementaires (article 45 du code de déontologie) et doivent utiliser un autre support en plus, à coté. Les secrétaires manquent pour rentrer tous les documents médicaux. Les personnels médecins et secrétaires ne sont pas tous dotés de scanner pour cela. L’accès à internet indispensable pour accéder au dossier médical numérique est aléatoire sur les territoires, et sur une même journée.

Le logiciel Esculape aggrave les difficultés d’exercice.

Par ailleurs, les médecins subissent une grande pression pour collecter les données de santé à travers ce logiciel. Ils ne disposent pas d’outil méthodologique de recueil des données qui en permet l’exploitation scientifique à visée épidémiologique. Quelles valeurs pourront avoir ces chiffres parcellaires, exploités habilement avec des pourcentages, et laissées diffusées comme des valeurs probantes ?

Pourtant une fois de plus, il est demandé en ce mois de juin et malgré des conditions d’exercice difficiles, de remplir des tableaux de statistiques, dont on découvre les items à renseigner ce mois ci. Notre hiérarchie n’hésite pas à rajouter ce travail supplémentaire pour les personnels déjà à bout. Les médecins, usés, remplissent de façon aléatoire les renseignements demandés et oubliés, lors de saisies à postériori, sur le logiciel Esculape… La priorité, semble à ce que les MCT (médecins conseillers techniques) aient des chiffres à rendre à leur hiérarchie, qu’importe la validité de ceux-ci…

C’est sans compter, non plus, sur l’éthique médicale, piétinée par l’absence de consentement éclairé, systématiquement recueilli auprès des familles quant au logiciel Esculape, notamment dans les zones défavorisées.

Aussi sous couvert que les académies se soient définies en « service de santé scolaire », il est acquis que plusieurs médecins, pas même identifiés par le responsable légal, puissent accéder à la totalité du dossier médical numérique, sans consentement nécessaire. Pourtant, il ne semble pas possible aux familles de refuser que les données médicales soient collectées sur Esculape, alors qu’elles sont potentiellement transmises à d’autres médecins sans nécessité de consentement. Ceci contrevient au respect du droit des usagers quant au secret médical (CSP article L1110-4  modifié par ordonnance n°2018-20 du 17 janvier 2018 – art. 2). Nous n’avons pourtant ni les statuts reconnus par le ministère de la santé, ni les fonctionnements, ni dernièrement, la caution des législateurs pour nous définir en service de santé scolaire. Il nous semble indispensable de clarifier cette notion de consentement pour pouvoir adhérer pleinement à cet outil.

Finalement…

Sommes-nous donc face à une gestion des ressources humaines, façon France télécom ou EDF/GDF, où les directions sont restées sourdes au mal être des personnels et à leur éthique ? Au même titre que ces directions maltraitantes, le cœur de nos missions disparaît, après les avoir laissées se dégrader, réaffectant les personnels médicaux aux tâches administratives, à la collecte aléatoire de données de santé, et bientôt aux bilans médicaux des 3-4 ans…

Notre ministère imposerait-il à un enseignant du premier degré 10 classes supplémentaires faute de professeur disponible sur le territoire, à un enseignant d’espagnol, des cours de mathématiques à effectuer, 5 collèges à un principal, 3 départements à un inspecteur d’académie ? Quelle serait la qualité de leur exercice et de leur expertise, sans parler du bien être au travail après ces redistributions de missions imposées ? C’est pourtant ce qui est vécu par la grande majorité des médecins de l’éducation nationale et ce qui se dessine avec le bilan médical prioritaire des 3-4 ans, sous notre responsabilité, en l’absence de médecin de PMI.

Revoir le statut des médecins au service des élèves : une urgence…

Il est plus qu’urgent de reconsidérer le statut des médecins au service des élèves afin de protéger la santé des personnels et de permettre la réalisation des missions de santé publique.

  • Nous demandons un statut permettant une harmonisation des salaires et des primes identiques aux MISP. C’est à dire un salaire conforme au nombre d’années d’études, à la difficulté de celles-ci, au niveau d’expertise acquise et mobilisée, au fait de l’entrée tardive dans la vie active, et d’un début de carrière au salaire indécent dans la fonction publique.
  • Nous demandons une réelle revalorisation de l’IFSE et bien au delà des 20 euros par mois qui sont proposés. Le PPCR n’a pas tenu ses promesses. Sous couvert d’une amélioration de carrière pour les médecins de secteurs, le hors échelle B reste inaccessible pour la majorité de ces médecins depuis 3 années consécutives.
    Malgré l’urgence qu’il y avait de montrer de la considération aux médecins de secteur, en favorisant la promotion en hors classe des agents les plus méritants, l’administration a préféré promouvoir des MCT. On doit, de la même façon, encourager les médecins de secteurs dont le dynamisme et l’expertise exceptionnelle doivent être reconnus désormais bien avant la retraite !
  • Nous demandons de façon urgente un changement de tutelle nationale, respectueuse des missions de santé prioritaires et des conditions d’exercice des professionnels pour cela. L’éducation nationale a clairement montré qu’elle n’était pas en mesure d’assurer ces priorités. Les choix budgétaires sont faits au détriment des personnels médicaux. L’organisation des personnels de façon corporatiste est entretenue par le ministère de l’éducation nationale. Celle-ci empêche le travail d’équipe nécessaire à la réelle réalisation des missions en faveur de la promotion de la santé de l’enfant et de l’adolescent, et par ailleurs au respect du droit des usagers quant au secret médical et aux partages et de leurs données de santé.
    Le SNAMSPEN demande que des mesures nationales conservatoires soient prises pour l’année prochaine pour prendre en compte les difficultés et conditions d’exercice des médecins de l’éducation nationale. Ceci dans l’attente des décisions du gouvernement en faveur d’une réorganisation des services de promotion de la santé en faveur des familles, des enfants et des adolescents. Nous demandons, de façon urgente, que la santé des professionnels, qui sont à bout sur bien des territoires, soit protégée et que l’équité de traitement des élèves sur tout le territoire français soit enfin respectée. Nous espérons dans cette réorganisation, que les adolescents ne seront pas une fois de plus les grands oubliés du système de santé et que l’accès possible à un médecin du service public leur restera acquis.
  • Enfin le SNAMSPEN/Sgen-CFDT appelle dans les prochaines discussions, avec les instances nationales sur l’avenir de la profession, à une réelle concertation intersyndicale des représentants de la profession, afin que les intérêts des médecins de secteurs soient aussi bien pris en compte et défendus, que ceux des MCT.

Dr Patricia Colson, commissaire paritaire titulaire, SG SNAMSPEN/Sgen-CFDT

Dr Xavier Guillobez, commissaire paritaire titulaire SG adjoint SNAMSPEN/Sgen-CFDT

Dr Chantal Lecomte, commissaire paritaire suppléante

Dr Géraldine Beauvais, commissaire paritaire suppléante

Dr Dominique Aguir, ex commissaire paritaire suppléante, Trésorière SNAMSPEN/Sgen-CFDT

Experte nommée pour le tableau d’avancement hors classe 2019