Bénédicte Moutin est secrétaire confédérale à la CFDT en charge de la qualité de vie au travail et de la qualité du travail.
En répertoriant les risques dans l’entreprise, le Duerp permet d’éclairer les travailleurs sur les risques encourus, mais le plus intéressant la mise en œuvre, ensuite, du plan d’action, en établissant des priorités parmi les outils que les travailleurs vont trouver.
Par conséquent, le Duerp débouche sur des actions de prévention, lesquelles ne sont possibles que placées dans une situation de proximité avec les travailleurs. Cela ne se décrète pas de façon unilatérale. Il ne s’agit pas seulement d’actions comme, par exemple, de décider d’installer un extracteur de fumée collectif ; souvent, ce qu’on va regarder, c’est ce qu’il se passe sur les postes de travail.
Ce que nous avons pu remarquer au fil du temps, surtout au cours des vingt dernières années, c’est que le travailleur est à la croisée de ce qu’on appelle le travail prescrit – ce qu’on lui dit de faire avec les moyens qui lui sont octroyés pour le faire (machines, ressources, organisation du travail…) – et ce qu’il fait ou peut faire réellement.
Or, il y a toujours un delta entre le travail prescrit et le travail réel. Aussi, l’expertise du travailleur va émerger, être mise à jour par toutes les pratiques qu’il va mettre en œuvre pour amoindrir ce delta, trouver des voies de passage entre ce qui est prescrit et ses réalités de travail, y compris pour gérer des aléas.
C’est donc en cela qu’il est expert, c’est-à-dire qu’il sait ce qu’il doit faire : il connait les objectifs qu’on lui donne, mais comme il n’a pas toujours tout ce qu’il lui faut pour faire, pour les réaliser, il déploie de l’ingéniosité, de l’innovation pour y parvenir. C’est en cela qu’il est expert de son travail.
Tout à fait. Quel que soit le mot (espaces de dialogue, d’expression…), la question primordiale, c’est de permettre au travailleur, dans un cadre collectif, de dire comment il fait son travail, et quelles sont les difficultés, les aléas qu’il rencontre. C’est le moyen, aussi, d’avoir un échange sur les pratiques professionnelles.
Les espaces d’expression sont le lieu où va pouvoir se développer un dialogue professionnel : comment trouve-t-on des solutions ensemble ? Comment repérer des difficultés récurrentes sur lesquelles il faudrait travailler pour tous… Pouvoir parler de son travail, et surtout savoir que ce qui est dit, est entendu et permet la mise en œuvre d’actions correctives et correctrices. C’est fondamental pour le travailleur.
À la CFDT, on part du principe que le travail doit être constitutif de la santé du travailleur, de son émancipation, de sa participation à la vie citoyenne, etc. Pour être dans cette dynamique-là, on est obligatoirement dans un cadre collectif : on peut avoir tous des approches individuelles, cela n’annule pas l’individu, mais cela le situe dans un groupe, dans un collectif qui permet d’avancer, pour que cela bénéficie à tous…
Il est vrai que la CFDT met toujours la prévention en avant. La réparation est une mesure de justice sociale pour les personnes qui sont atteintes dans leur santé, mais l’objectif premier est d’empêcher ces atteintes à la santé. Aussi insistons-nous sur les questions de prévention, d’accompagnement à priori, d’anticipation, de façon à préserver au mieux la santé des travailleurs.