Laïcité de, et à l'École. Le sujet a réuni le conseil fédéral* du Sgen-CFDT en octobre dernier – une semaine avant l’attentat d’Arras** –, lors d'une journée de réflexion autour d'invité·e·s qui ont livré leur expérience professionnelle et militante sur la question.
Laïcité
* Le conseil fédéral (CF), élu lors du congrès du Sgen-CFDT, est son organe directeur, chargé de conduire sa politique, en conformité avec le texte d’orientation adopté au congrès et dans le respect des statuts et du règlement intérieur.
** Attentat d’Arras : discours de Catherine Nave‑Bekhti au conseil national confédéral, le 17 octobre 2023.
est inspecteur académique-inspecteur pédagogique régional dans l’académie d’Amiens. Depuis 2014, il est en charge du dossier « Laïcité et valeurs de la République ».
Cette intervention de M. Damblant a paru dans le no 293 – Novembre-décembre 2023 de Profession Éducation, le magazine des Sgen-CFDT.
« Première précision, la définition qui a été donnée de l’abaya par le représentant du ministère au Conseil d’État et repris par ce dernier dans son référé du 7 septembre est précise mais restrictive : « […] un vêtement féminin couvrant l’ensemble du corps à l’exception du visage et des mains ». La plupart des signalements faits ne correspondent pas à cette définition, certains élèves pouvant se présenter avec une tenue composée de plusieurs vêtements généralement la tête non couverte.
Deuxièmement, la question des contestations par les élèves – nombre d’entre elles ont d’ailleurs fait partie de la réflexion qui a précédé le rapport Debray en 2002 – se travaille d’abord dans le cadre de la formation, et surtout dans celui de l’établissement au sein d’une équipe disciplinaire et on sait faire. Les questions socialement vives faisant l’objet de contestations de la part des élèves sont connues ; je crois qu’en la matière, il n’est pas extrêmement compliqué de former les personnels des établissements scolaires. En revanche, les contestations d’association type « parents vigilants » – nous y avons été confrontés l’an dernier dans l’académie d’Amiens – sont une situation beaucoup plus inquiétante et dangereuse parce qu’il est difficile d’agir sur des personnes extérieures. Ici, à mon avis, la réponse doit être politique.
Troisièmement, concernant la question des jeunes filles qui portent l’abaya, il ne faut pas voir l’attitude de certaines d’entre elles aujourd’hui avec le prisme de 2004. Il faut regarder cela dans le contexte actuel, en se demandant pourquoi elles le font, quel message elles portent individuellement et cesser de voir du fondamentalisme partout. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire appliquer la loi, mais au-delà c’est surtout bien comprendre la situation pour apporter des réponses allant plus loin que l’interdiction.
Donner l’occasion aux personnels de discuter, ne serait-ce qu’une heure dans le cadre d’une formation […], est le seul moyen de rassembler effectivement tout le monde sur le sujet.
Dernier point, pour lutter contre les atteintes à la laïcité et aux valeurs de la République à l’École, tous les outils existent. Il n’y a pas besoin d’inventer de nouvelles choses, il faut juste permettre aux équipes de se réunir –durant un temps dédié, compris dans le temps de travail – pour parler de ces questions et réfléchir ensemble. C’est cela, déjà, qui devrait être fait. Donner l’occasion aux personnels de discuter, ne serait-ce qu’une heure dans le cadre d’une formation – nous le faisons et les retours de pratique sont très concluants –, est le seul moyen de rassembler effectivement tout le monde sur le sujet. »