Médecine scolaire, le directeur de la DGESCO répond aux députés et à la cour des comptes…

Médecine scolaire, le directeur de la DGESCO répond aux députés et à la cour des comptes : un simple exercice de style ! Les faits restent ce qu’ils sont : le Ministre refuse l’abondement du budget en faveur des médecins de l’éducation nationale !

médecine scolaire - les réponses du DGESCO aux questions des députés et de la Cour de Comptes

Médecine scolaire : audition du directeur de la DGESCO, monsieur Édouard Geffrey

Mercredi 29 septembre 2020, Monsieur Edouard Geffray directeur de la DGESCO était auditionné par un groupe parlementaire présidé par Madame Marie Tamarelle-Verhaeghe (Députée soutenant particulièrement la médecine scolaire et la santé à l’école) et par la cour des comptes qui a rendu son rapport sur la médecine scolaire le 27 mai 2020.

La cour des comptes s’est exprimée au cours de cette audience :

  • L’importance de créer un service de santé scolaire et de rétablir le binôme infirmier-médecin propre à tout service de santé a été réaffirmée.
  • L’importance de « rémunérer les médecins de l’Éducation nationale contre un pilotage sous l’autorité d’un chef de service » a été notée.
  • La revalorisation des salaires de manière à aligner le régime indemnitaire des médecins scolaires sur celui des médecins inspecteurs de santé publique est une dépense a dit la Cour des comptes, tout à fait envisageable dans les dépenses budgétaires vu ce que cela couterait après calcul fait.
  • La santé des élèves suivant les pays est soit l’affaire des collectivités, soit l’affaire du ministère de la santé : en France, c’est le ministère de l’Éducation nationale, donc c’est à ce ministère de remédier à ces déficits en décloisonnant les personnels, en contractualisant avec les ARS, les médecins généralistes,…
  • Il est proposé de coordonner le service de médecine scolaire localement par un personnel administratif, ce qui empêcherait toute tension de hiérarchie (comprenons, pas de hiérarchie entre infirmier et médecin, ce qui est souhaité par tous les acteurs de santé).
  • La nécessité de trouver un outil de liaison entre professionnels reste indispensable : le DMP est en cours de développement.
  • Il est nécessaire de travailler avec les collectivités pour assurer l’existence de centres médico-scolaires et assurer par ailleurs les postes de secrétariat (le problème est aussi bien le bâti, que les frais de fonctionnement dont on n’a pas déterminé jusqu’à présent qui devait les assurer puisque la santé scolaire concerne le 1er degré (Commune), les collèges (Département) et les lycées (Région).
  • La création d’un conseil de santé scolaire, visant à défendre une déontologie, et à recueillir l’activité annuelle est une proposition.
  • Est avancé, comme une mesure d’attractivité pour les médecins scolaires, la possibilité de créer un corps interministériel de médecin de santé publique ouvrant plus largement l’horizon des carrières.

Les députés siégeant à cette commission ont aussi défendu l’exercice des médecins scolaires et interrogent le ministère :

  • L’attractivité va au-delà des seuls problèmes de salaires.
  • La non réalisation des bilans de 6 ans reste une question à part entière : que fait-on pour le diagnostic précoce des troubles neurodéveloppementaux, véritable source de handicap ?
  • Quel serait le rôle possible d’infirmières municipales ?
  • Quels est le rôle des médecins scolaires dans la contraception ?
  • Outre un logiciel mettant en relations les acteurs, il a été noté la nécessité que les acteurs sachent travailler ensemble.
  • Les actions de la santé scolaire doivent s’inscrire dans les contrats locaux de santé pour d’une prise en compte de tous les parcours en faveur de la santé : école, activités périscolaires sportives et culturelles.

La présidente de la commission, la députée Marie Tamarelle-Verhaeghe, a insisté sur des points cruciaux, rejointe sur ces questions par d’autres députés :

  • Dans la crise COVID, les personnels de santé ont souffert d’une absence de clarification de leur rôle et de leur positionnement par rapport aux ARS.
  • Finalement devant l’ensemble de toutes les missions, y a-t-il un pilotage : comment prioriser, comment faire travailler ensemble les personnels ?
  • La notion de service de santé scolaire semble émerger alors que nous en avions déjà fait la proposition à travers un amendement lors de l’étude de la Loi de confiance : il a été refusé (pour mémoire, le SNAMSPEN/Sgen-CFDT avait fait la proposition de la création de ce service de santé scolaire, lors de son audition en 2019 auprès de la députée).
  • Il est question de décentralisation, où en est-on de cette idée ?
  • Enfin il est question du nouvel arrêté, en cours de validation, concernant les visites médicales obligatoires à 3, 6 et 12 ans : y a-t-il eut concertation avec les professionnels ? Ont-ils bien été associés ?
  • Pour les visites médicales pour travaux réglementés en lycées professionnels, l’expertise médicale spécifique n’est-elle pas à prioriser pour d’autres missions ?
  • Que proposer pour rendre l’attractivité des postes ?

La première prise de parole de Monsieur Geffray a été pour noter toute l’importance des personnels de santé scolaire dans la gestion de la crise COVID. Il a aussi noté l’importance de ces personnels bien au-delà des seuls bilans de santé.

Redynamisation de la santé scolaire

Au sujet de la redynamisation de la santé scolaire, Monsieur Geffray a dit que c’était une ambition partagée par le ministre mais qu’il fallait dépasser les contraintes consistant à prendre en charge 20 % de la population dans 60 000 implantations. Il y a un problème de distances et de moyens pour permettre de travailler en concertation.

Finalement, a-t-il dit, c’est plus un problème du « quoi » que du « comment ». En ce qui concerne le quoi, il s’agit de l’accomplissement d’une scolarité avec un certain bien être avec comme support selon lui, les thèmes habituels de l’éducation à la santé : alimentation, hygiène, activités sportives, et accessibilité à l’école (PAI, PAP et PPS).

De notre point de vue de médecin scolaire, le « quoi » est ce pour quoi nous mobilisons toute notre expertise spécifique, c’est avant tout de révéler et faire valoir la prise en compte par l’école, des besoins particuliers des élèves afin que l’école inclusive soit réellement bien traitante. Laissés en sous-effectif, les médecins scolaires ne sont plus sollicités systématiquement par les équipes éducatives pour des décalages d’apprentissages ou pour le diagnostic de difficultés scolaires durables pour chaque enfant confronté au milieu scolaire. C’est souvent au stade d’échec scolaire, de mal être et de handicap que nous sommes appelés à voir les élèves ou alors à les revoir tardivement, faute de n’avoir pu s’assurer d’une évolution favorable après un accès réel aux soins préconisés à un moment, le plus tôt possible.

PIAL

Monsieur Geffray a fait mention des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés) qui réunissent l’ensemble des personnels de santé autour du handicap.

Nous aurions certainement bien voulu dans les faits y être associés et participer à la définition des besoins et des moyens en faveur des élèves présentant un handicap en apportant parfois un autre regard sur les décisions de priorisation des besoins mais force est de constater que les médecins et les infirmières ne sont pas associés aux concertations des PIAL !

Monsieur Geffray se défend lorsque l’on fait remarquer qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion de la médecine scolaire, en disant que si, il y a bien un pilote dans l’avion avec une « unité de chaine de décision » (comprenons une organisation verticale et descendante) avec un médecin au ministère, dans les rectorats et enfin aux départements. Il oublie malheureusement qu’il n’y a plus de personnels à tous les étages (nombreux départements sans MCT par exemple) et qu’il n’y a aucun retour ni prise en compte des médecins de secteurs, confrontés à l’exercice médical et aux difficultés d’application des circulaires, vers ce médecin qui pilote.

Attractivité

En ce qui concerne l’attractivité, Monsieur Geffray a consenti au fait que le taux d’occupation des postes était anormalement bas mais qu’il existait une pénurie médicale. Il a énoncé les mesures précédemment faites de majoration progressive du taux de passage en 1ère classe, la création d’un troisième grade et la revalorisation du régime indemnitaire ayant eu lieu en 2015.

Il a noté la difficulté de recrutement (mais sans politique salariale volontariste, attractive et sans fonctionnement en service de santé, il est impossible de recruter !), le temps nécessaire à la formation d’un médecin, comptant sur la FST de médecine scolaire (seuls 30 postes sont ouverts à la formation sur tout le territoire mais, à ce jour, aucun inscrit à cette FST !).

Cloisonnement des personnels

Pour répondre au cloisonnement des personnels, il a dit que l’intérêt d’un vrai service de santé scolaire était un concept qui emportait l’adhésion avec une coordination respectant toutes les expertises, en notant qu’il devait exister une coordination locale et que le partage d’informations devait se mettre en place, notamment à travers un nouvel outil appelé DIAPASON permettant de mettre en relation infirmiers, médecins, psychologues et AS. Il a cependant noté la difficulté de travailler ensemble sur de multiples sites.

Missions chronophages

Pour les missions chronophages représentées par les visites médicales des mineurs pour travaux réglementés en LP, et pour faire face à la pénurie de médecins scolaires, Monsieur Geffray évoque le recours à des médecins généralistes, mais met en avant la formation particulière des médecins de l’Éducation nationale rompu au milieu scolaire. Cette expertise toute spécifique ne devrait pas être utilisée systématiquement et sans raison, mais bien pour des consultations en faveur des enfants et adolescents en grandes difficultés scolaires ou à besoins éducatifs particuliers ou ne s’adaptant pas ou mal au milieu scolaire, comme les députés l’ont souligné.

Monsieur Geffray a en tout cas bien noté publiquement que la cour des comptes invitait le ministère à la dépense en faveur des médecins de l’éducation nationale (3 millions d’euros) et qu’il était rare qu’une telle instance pousse ainsi aux dépenses !

Décentralisation

Sur la décentralisation, c’est la cour des comptes qui a précisé son avis à l’encontre d’une mesure qui viserait à transférer la santé scolaire aux collectivités avec le grand risque que les missions non remplies par la PMI, sous la tutelle des collectivités, soient basculées sur la santé scolaire. Or ce n’est pas le but : la santé scolaire a ses propres missions !

Le ministère de l’éducation nationale n’a pas répondu quant au dialogue social avec les professionnels concernés sur le projet de décret visant les visites médicales obligatoires (décret de 2015 en cours de modification). Le projet de décret est déjà passé à la validation par différentes instances, sans qu’il n’y ait eu de concertation avec les professionnels concernés avant : pourtant il est question que la visite médicale soit effectuée par les acteurs de l’Éducation nationale, en lieu et place de la PMI, dès lors que la PMI ne pourra pas assumer la visite.

Madame la députée Tamarelle-Verhaeghe, présidente de la commission de la santé à l’école insiste : les visites médicales du médecin de la PMI s’articulent avec un temps d’examen de l’infirmière de PMI. Qu’en sera-t-il si cette visite médicale revient au médecin de l’Éducation nationale ? Elle demande que le projet soit clarifié sur ce point !


Mises à jour des revendications du SNAMSPEN/Sgen-CFDT devant ce nouvel éclairage et les discussions concernant la programmation de la loi de finances pour 2021 (PLF21) en cours de vote.

La santé scolaire semble bien devoir rester dans le giron de l’Éducation nationale. Depuis cette audience du directeur de la DGESCO,  les faits laissent à penser que le ministère de l’Éducation nationale fait fi des remarques des députés et de la cour des comptes en faveur d’une véritable réorganisation :

  • La création d’un service de santé scolaire s’annonce politiquement sensible. Lors d’un RDV syndical commun infirmiers/médecins en date du 23 octobre, l’administration de la DGRH a réaffirmé : il n’y aura pas de service de santé !

La peur d’un éventuel « pouvoir » médical ressenti au sein de l’Éducation nationale aura raison des priorités de santé et de réussite en faveur de tous les élèves. Le « Doctor Bashing » est décidément en vogue à l’Éducation nationale et on voit bien que cette profession gène au cœur de la cité de l’enseignement et du savoir !

  • Le 28 octobre 2020, le ministre vote contre l’amendement permettant d’octroyer un budget de 3 millions pour sauver le corps des médecins de l’éducation nationale, alors que la cour des comptes a enjoint ce ministère à faire cette dépense tout à fait raisonnable dans son budget. C’est quand même rare, comme cela a été noté à l‘assemblée nationale par M.Geffray, que la cour des comptes appelle à la dépense !

La communication du ministre ne cesse de donner des informations erronées au public concernant les médecins chargés de la santé des élèves !

Il n’y a aucune politique de recrutement des médecins à l’Éducation nationale dès lors que les salaires restent volontairement plafonnés. Ils restent indécents au regard du nombre d’année d’études, des responsabilités et des salaires usuels de la profession. Les budgets versés (par le ministère aux rectorats sur les postes vacants) permettraient de recruter, mais le ministère et/ou les rectorats préfèrent les employer à d’autres postes : le droit à l’égalité des chances pour chaque élève, en s’assurant des diagnostics médicaux posés et de l’accès aux soins dès lors qu’il y a entrave à la réussite scolaire, n’est décidément pas le problème de ce ministère. Celui-ci creuse ainsi manifestement les inégalités sociales et territoriales que nous, médecins scolaires, avions à charge de contribuer à réduire.

L’augmentation des indemnités de sujétions spéciales en 2015, puis le passage au Rifseep à partir de 2016 avec une IFSE revalorisée tous les 3 ans comme pour tous les agents de la fonction publique, reste inférieure de 40 % à celles des médecins des ARS : pourtant nous assurons actuellement le travail de santé publique des ARS, notamment dans la réalisation du contact tracing en milieu scolaire (personnels et élèves) lié à l’épidémie de SARS-CoV2 en cours.

La création d’un 3ème grade impose à ce corps deux tableaux d’avancement alors que les autres personnels de catégorie A+ n’en ont qu’un (chefs d’établissements par exemple) : le goulet d’étranglement existant à 2 reprises concourt au renforcement de la dévaluation de la profession et empêche d’accéder à un salaire qui pourrait être attractif rapidement dans la carrière.

Nous attendons de notre ministère la prise en compte de la détresse des médecins sur les secteurs, ou dans les administrations où les MCT connaissent d’autres difficultés.

Nous demandons un plan d’extinction ou de réhabilitation à très court termes tant les risques psychosociaux sont présents.

De nombreuses instances alertent depuis plus de 10 ans sans réaction du ministère qui laisse la situation pourrir, ce qui provoque le départ volontaire de médecins qui sont à bout, alors qu’ils sont dévoués à ce métier !

Monsieur le Ministre veuillez préciser clairement votre position : si votre volonté est d’éteindre le corps, merci de le faire dans le respect de la dignité et la santé des personnels.