Entretien avec Nicolas Turcat, responsable du développement des usages numériques à la Caisse des Dépôts et co-initiateur de l'Observatoire de l' EdTech française.
Qu’est-ce que l’Observatoire de l’EdTech ?
L’Observatoire de la EdTech française a été créé par EdFab, une composante de Cap digital, association dédiée à la création numérique et au développement collaboratif.
Il est également soutenu par la Caisse des Dépôts et la Maif. L’idée est née d’un besoin cartographique : répertorier les entreprises et les associations s’intéressant – sur le plan technologique – au numérique éducatif.
Cette cartographie a été établie avec la Région Ile-de-France et des entreprises du secteur, sur la base d’une autodescription en ligne des acteurs eux-mêmes. L’objectif était de fournir un outil à destination des prescripteurs scolaires (par exemple les Régions) et des acteurs de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie.
Quel paysage de l’EdTech cet Observatoire permet-il de dessiner ?
50 % des entreprises recensées sur le site n’existaient pas il y a trois ans. Le secteur a été sans doute stimulé par le Plan numérique pour l’éducation de 2015, mais il faut surtout y voir l’effet indirect de l’ambiance générale et de la maturité de certaines technologies – notamment le learning management system (LMS), une plateforme permettant tout à la fois de gérer les formations à distance et en présence, le suivi de carrière et des compétences,
les outils d’évaluation…
Ainsi, la EdTech française est très axée sur la pédagogie, avec beaucoup d’outils pour les élèves, mais assez peu pour les enseignants et trop peu pour les chefs d’établissement.
Par exemple, il n’y a guère d’intérêt porté aux flux de données entre établissements et académies; du coup, les établissements ne sont pas outillés et font le choix des géants du web qui, eux, proposent des outils «qui facilitent la vie».
Quel est le rôle de la Caisse des Dépôts ?
Notre priorité est l’accompagnement des politiques territoriales, de la commune à la Région. Nous les aidons à déchiffrer les évolutions.
Dans les années 2000, nous avons accompagné la mise en place des environnements numériques de travail (ENT) et dans les années 2010 celle des plateformes de mutualisation et d’utilisation des «data» territoriales.
Nous leur expliquons quels ingrédients permettent la mise en place d’un numérique éducatif et nous avons un rôle de tiers de confiance pour les aider à identifier les entreprises conformes à leurs attentes. Parallèlement, nous sommes investisseurs, comme dans le cas du moteur de recherche Qwant, plus respectueux de la vie privée.
Enfin, nous sommes un opérateur pour l’État (par exemple pour les actions e-FRAN – espaces de formation, de recherche et d’animation numérique, et «IA et cycle 2» du plan d’investissement d’avenir).
Quels sont les chantiers pressants pour l’Éducation nationale ?
Il y a un problème d’acculturation du management intermédiaire, or une des clés du développement du numérique, ce sont les personnels de direction. Beaucoup d’établissements ne savent pas acheter de la ressource numérique – ils n’en ont pas toujours les moyens d’ailleurs.
Une des difficultés est la démultiplication des points de contact : six ou sept portails, d’Éduscol à Canopé, fournissent des ressources, gratuites ou payantes, ce qui a pour conséquence une méconnaissance et une sous-utilisation des outils.