L'éducation prioritaire n'a pas permis "de réduire substantiellement les inégalités de résultats scolaires des élèves et de choix d'orientation", précise Jean-Michel Blanquer. Pourtant, l'évaluation de l'éducation prioritaire peut-elle se limiter au lire, écrire, compter ?
Évaluer la politique d’éducation prioritaire pour l’adapter aux besoins est la mission spécifique confiée à P. Mathiot et A. Azema. Pour le Sgen-CFDT, cette mission ne peut s’exonérer de mesurer les effets à court et long terme des pratiques pédagogiques qui pèsent sur les élèves et leurs familles. Il ne s’agit pas seulement de mesurer une politique territoriale mais bien d’adapter l’enseignement au bénéfice de tous, en particulier des élèves les plus éloignés de l’École.
Des évaluations en français et en mathématiques au CP et au CE1
Les évaluations généralisées dans tous les CP et CE1 de France ne tiennent compte ni du contexte social ni du contexte scolaire des enfants qui y sont soumis. Pourtant, J.M. Blanquer a imposé à tous des évaluations de CP et CE1 accompagnées de « repères annuels », permettant de sélectionner les élèves les plus précoces. Il affirme par ailleurs, dans son interview radiophonique du 3 octobre dernier, que « L’éducation prioritaire est légitime, il faut la revitaliser. »
Des évaluations inadaptées notamment en éducation prioritaire
Comme l’explique Sylvie Plane, ces évaluations portaient sur des sujets totalement inconnus des élèves de cet âge, a fortiori en éducation prioritaire. « En effet, le test de compréhension auquel ont été soumis les élèves sortant de cours préparatoire portait sur le rôle de l’hormone secrétée par la glande pinéale, sur le sommeil paradoxal. Non, ce n’est pas une blague. Comme on s’en doute, les mots-clés du texte (« hormone », « cycle », « mélatonine », « tiers », « glande », « paradoxal », le verbe « libérer » dans l’expression « la glande libère une hormone », etc.) ne font partie ni du vocabulaire de base du français ni des mots que les élèves ont pu lire dans leur manuel au cours préparatoire. » Pourtant, aucune étude n’a mesuré l’effet délétère de ces évaluations sur l’estime de soi des élèves, notamment en éducation prioritaire.
Réussite ou pas ?
[A.G., professeure des écoles]
[J.C. professeur de collège, avec des élèves de 6ème. Lecture offerte et analyse d’image collective croisée avec des exercices d’écriture individuelle]
Des effets difficilement mesurables à court terme
Pour le Sgen-CFDT, évaluer l’éducation prioritaire ne peut se limiter aux résultats du brevet des collèges ou aux évaluations en français et en mathématiques. En éducation prioritaire, le rôle éducatif demeure une des missions fondamentales de l’École.
Bien sûr, chacun se dit qu’il est préférable, voire essentiel, de savoir lire, écrire, compter ; que ce sont des portes d’entrée sur le monde, sans pour autant négliger les actions corporelles et artistiques. Chacun se dit cela, et chacun sait aussi que la réussite, pourtant, ne se limite pas à cela… Que ces critères interagissent avec bien d’autres critères…
Un enfant qui revient de l’école avec le sourire, en ayant envie de raconter ce qu’il a appris, ce qu’il a fait, ou en ayant le plaisir de le garder secret… Un enfant qui a envie d’y retourner, de s’imaginer une place dans ce monde, d’apporter aux autres… Là aussi, chacun sait qu’il y a des critères de « réussite » beaucoup plus subtils, se manifestant parfois à « retardement » des temps de l’école.