Le 20 novembre 2025, la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques a été auditionnée dans le cadre de la mission menée par l'IGESR consacrée aux services académiques de l’orientation, au rôle et au positionnement des IEN-IO et des PsyEN, ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement des CIO.
Cette audition a été l’occasion pour la CFDT de porter la parole des personnels et de rappeler une réalité largement partagée sur le terrain : l’orientation est aujourd’hui fragilisée par des politiques éclatées, des injonctions contradictoires et un manque criant de moyens, au détriment des élèves, des familles et des professionnels.
Une profession sous pression, en perte de repères
Les PsyEN sont aujourd’hui au cœur de multiples discours, rapports et réformes, souvent élaborés sans réelle concertation avec les premiers concernés. Réorientation du métier vers la santé mentale, déclarations politiques sur l’orientation, transfert de missions vers les Régions : autant de signaux qui brouillent le sens du métier et placent les personnels dans une situation d’incertitude permanente.
Sur le terrain, les remontées sont claires : les PsyEN bricolent pour répondre à une pression sociale croissante, liée à la réussite scolaire et aux choix d’orientation, dans un système qui peine à assumer ses propres contradictions.
La mission menée par l’IGESR est donc bienvenue, car elle permet enfin d’aborder le fond du métier, ses finalités, ses conditions d’exercice et sa place dans la communauté éducative.
Accompagner les élèves : une mission collective… sans cadre clair
L’accompagnement à l’orientation repose aujourd’hui sur une multiplicité d’acteurs : PsyEN, enseignants, CPE, chefs d’établissement, référents décrochage, personnels des Régions.
Pour la CFDT, l’orientation est bien l’affaire de tous, mais cette évidence ne peut masquer une question centrale : qui fait quoi, avec quels moyens et dans quel cadre ?
Les difficultés sont nombreuses :
- charge de travail excessive des professeur·es principaux·ales, souvent isolé·es ;
- absence de temps institutionnalisé pour la coconstruction des parcours ;
- déploiement très inégal du plan Avenir selon les académies ;
- affichage des 36h (collège) ou 54h (lycée) sans réelle opérationnalité.
Le parcours de préparation à l’orientation (PPO) ne peut se résumer à quelques demi-journées normées. Il doit pouvoir s’inscrire dans un travail collectif, pensé dans la durée, et soutenu par une formation pluriprofessionnelle au sein des établissements.
La CFDT rappelle également le rôle fondamental du PsyEN dans l’accompagnement individuel :
- travail sur le processus vocationnel,
- construction de l’identité,
- aide à un choix éclairé, libre et consenti.
Or, le système sait gérer des collectifs, mais peine à accompagner les individus, pourtant au cœur des parcours d’orientation.
Information sur les métiers : une régionalisation qui accroît les inégalités
La régionalisation de l’information sur les métiers et les formations, conjuguée au démantèlement de l’ONISEP, a profondément modifié l’accès à l’information.
Les Régions investissent fortement la découverte des secteurs professionnels, en lien avec leurs politiques d’emploi. Mais elles ne peuvent ni ne doivent se substituer :
- à l’expertise nationale sur les formations,
- à la maîtrise des procédures d’orientation et d’affectation,
- à l’accompagnement individualisé des parcours.
Les exemples régionaux montrent une réalité préoccupante : disparition de brochures papier, information essentiellement numérique, visibilité réduite des CIO, contenus parfois inadaptés aux publics les plus fragiles.
La CFDT alerte : une information éclatée, territorialisée et numérisée à marche forcée accentue les inégalités sociales et territoriales, notamment pour les familles les plus éloignées de l’institution scolaire.
Décrochage scolaire : un système mal outillé et mal piloté
En matière de décrochage, la CFDT dresse un constat sans détours : l’État ne sait pas réellement ce qu’il mesure.
Les outils interministériels développés depuis plus de dix ans sont inopérants :
- actifs essentiellement à partir de 16 ans,
- incapables de suivre finement les parcours,
- générateurs de statistiques erronées (jusqu’à 70 % de faux décrocheurs).
Or, la majorité des ruptures se joue avant 16 ans, souvent à la sortie de 3e.
Faute d’un réel outil de suivi de l’obligation scolaire, on laisse disparaître des élèves… pour tenter de les retrouver plus tard, au prix de dispositifs lourds et coûteux.
Sur le terrain, les équipes se heurtent également :
- au manque de personnels médico-sociaux,
- à la fracture numérique,
- à la complexité des partenariats (missions locales, Régions, MLDS),
- à une animation régionale des PSAD souvent déconnectée des réalités locales.
Pour la CFDT, la prévention du décrochage doit être pensée en amont, dès le premier degré, en lien étroit avec les équipes, les familles et les territoires.
Les CIO : un service public de proximité indispensable
La CFDT a réaffirmé avec force son attachement aux CIO, véritables tiers-lieux tout public, indispensables à la cohésion sociale et territoriale.
Les CIO accueillent :
- des élèves non affectés,
- des jeunes en attente d’UPE2A,
- des adultes en formation tout au long de la vie,
- des “bons élèves” en situation de forte détresse psychologique,
- des publics fragiles, parfois éloignés de toute autre structure.
Ils constituent souvent le seul lieu permettant un rendez-vous rapide avec un PsyEN, parfois en moins de quinze jours.
Pourtant, les CIO sont aujourd’hui menacés :
- statuts et rémunérations des DCIO fragilisés depuis 2017,
- multiplication des missions sans moyens,
- logique de concentration des services au détriment de la proximité.
Revitaliser les CIO, plutôt que les supprimer, est un enjeu majeur de service public.
Redonner de la cohérence et du sens à l’orientation
Au-delà des aspects techniques, la CFDT porte une conviction forte : l’orientation ne peut être réduite à une procédure, un outil numérique ou une compétence territoriale.
Elle est un processus éducatif, humain, progressif, qui nécessite :
- des personnels formés et reconnus,
- des services publics nationaux et de proximité,
- une information fiable, accessible et égalitaire,
- une réelle articulation entre les acteurs.
La CFDT continuera à porter ces exigences auprès de l’IGESR, du ministère et des décideurs politiques, aux côtés des personnels, pour une orientation émancipatrice, juste et au service de toutes et tous.