Aperçu du vécu des enseignants d’EPS pendant les périodes de confinement – déconfinement…

Des réalités d’organisation différentes selon les établissements

Certains collectifs ont réussi à s’organiser

« Notre organisation a été plutôt positive, mais on n’aurait pas du mettre autant de pression notamment au début. Il aurait fallu laisser à tous le temps de s’organiser » (Bernard)

« L’administration du collège a été plutôt réactive, présente pour les enseignants, pour les parents…. mais une certaine pression transparaissait dans les nombreux mails » (Sandrine)

Dans d’autres établissements, chacun a été livré à lui-même, sans harmonisation

« Aucune organisation commune, chacun a fait ce qu’il voulait comme bon lui semble » (Marion, collège rural)

« L’ENT était très souvent inaccessible (tout au moins les premières semaines). Il était difficile d’y insérer des contenus pour viser tous les élèves du lycée« . (Gaetane)

Les propositions en EPS, là aussi sujettes aux réalités de terrain

Les propositions semblaient avant tout guidées par un soucis de maintenir des liens sociaux et une incitation à une pratique physique régulière, voire à s’aérer, se déconnecter lorsque cela était possible.

En éducation prioritaire, les propositions semblent avoir souvent été collectives :

« Nous nous sommes organisés en équipe pour proposer des fiches d’activité par semaine de différents niveaux pour tous les élèves pour leur laisser le choix d’une progression« . (Christian)

Mais les élèves, la plupart en appartement, étaient parfois loin des attentes…

En milieu rural, les propositions ont pu être plus variées, avec une invitation à aller « s’oxygéner » !

Les enseignants soulignent aussi la difficulté d’assurer la sécurité des postures dans ce qui était proposé. Difficulté accentuée par le très faible taux de retours de la part des élèves dans pas mal d’établissements.

« L’idée de notre équipe était tout d’abord de ne pas les stresser« . (Sandrine)

En lycée  les collègues ont souvent consacré beaucoup de temps à travailler les référentiels  pour les évaluations bac. Ce sujet méritera une réflexion à part entière. D’ores et déjà, ce travail doit être reconnu.

Des inégalités dans la pratique physique effective…

Sans pouvoir généraliser, une tendance se dégage de l’analyse des réponses à l’enquête :

En éducation prioritaire, les enseignants estiment à 20 et 50 % le pourcentage d’élèves ayant fait une activité physique durant le confinement. Si les plans de travail ont été imprimés très souvent, et des ordinateurs prêtés quand cela était possible, la pratique physique a été encore moins suivie qu’ailleurs.

En milieu rural, les collègues soulignent eux aussi que les conditions de travail personnelles n’étaient pas toujours très faciles (accès à internet, aux ordi etc.), et les retours rares. Cependant, ils estiment à 50 – 70 % le pourcentage d’élèves ayant eu une activité physique durant le confinement. Les modes de vie et l’accès à des espaces extérieurs expliquent sûrement ces constats.

Un enseignant de lycée professionnel témoigne lui aussi de la difficulté d’accès aux moyens informatiques :

« Un ordinateur pour quatre, un téléphone portable et rien d’autre pour faire les devoirs. Le contact a pu être rétabli grâce aux appels téléphoniques des professeurs référents. J’estime à moins de 20 % le pourcentage d’élèves ayant eu une activité physique durant le confinement« . (Eric)

Dans des lycées généraux, les retours restent souvent peu nombreux, mais par contre, certains collègues témoignent d’une activité physique parfois plus soutenue chez leurs lycéen·nes. Nous pouvons imaginer, que selon les habitudes et le contexte familial, les élèves les plus autonomes ont pu maintenir une activité. Il en a été de même pour une partie des collégien·nes.

En phase de déconfinement…

Dans les établissements qui ont repris, donc en collège la plupart du temps, 1h de pratique a généralement été proposée par groupe. Les activités proposées étaient de différentes natures : dans le prolongement du confinement type PPG etc. Des activités athlétiques type courses, relais. Des activités d’expression, et des propositions de créations collectives « flash mob » etc.

Selon les possibilités matérielles de disposer de tapis individuel, des activités comme yoga, relaxation…Et peut-être plus qu’eux-mêmes ne l’avaient imaginé, ils ont essayé de proposer des jeux (Morpion, lucky lucke, etc.), des balades ou de la course d’orientation. Avec ou sans espace vert à proximité, nombreux relatent des sorties, avec une dizaine d’élèves, pour marcher et découvrir, ou redécouvrir leur environnement !

Et le bilan sur nos conceptions du métier…

Nous avons interrogé les collègues sur ce qu’ils pouvaient tirer de cette expérience sur leur conception de leur métier, de la discipline…

« Nous étions tournés vers l’idée de maintenir son corps en forme et le faire de façon régulière » (Bernard)

« Le cours d’EPS ne peut se confondre avec un programme de coaching sportif à distance pour des élèves de collège… Car les feedbacks sont très difficiles à distance« . (Kévin)

Nous voyons que les feed-back, les rémédiations en directes, le lien social sont essentiels et primordiaux dans la construction de nos séances d’EPS.

« Je n’ai pas envie de revenir à une gymnastique suédoise. Quelle place pour l’EPS à l’école dans ces conditions ? » (Gaetane)

« Il me semble qu’après cette période la dualité EPS-sport posera beaucoup de questions pour tous les acteurs de l’ éducation… » (Laure)

« Je suis convaincu que le confinement n’a fait qu’accentuer le fossé entre les élèves en réussite et ceux en difficulté. Je suis proche de la retraite mais j’espère que le système éducatif va tirer les leçons de cette crise et réfléchir à une transformation en profondeur à tous les niveaux : contenus, programmes, organisation des établissements (structure des classes, mixité sociale…). Il faut trouver un dispositif qui permette d’aplanir la fracture sociale qui s’est révélée et s’est accrue au cours de cette crise. L’école doit permettre à chaque élève de réussir« . (Christian)

« Peut être dans le futur, insister sur l’importance de l’activité physique quotidienne en instituant un rituel de quelques exercices de bien-être dans toutes mes séances. Des exercices à réutiliser tout au long de sa vie« . (Marion)

« Je vais certainement repenser certaines choses concernant les contenus théoriques, techniques et réglementaires à disposition des élèves mais le fond de notre métier reste l’engagement physique dosé, adapté et une motricité maîtrisée. Cela ne peut se faire à distance et sans contrôle des postures donc un lien visuel. Enfin, la construction d’un individu équilibré passe par des échanges avec les autres et si les contacts sont inexistants nous perdrons une richesse importante de notre matière faite de coopération, d’entraide, de solidarité, de respect des différences… » (Eric)

« Ce n’est pas de l’EPS, mais notre rôle est également que nos élèves aillent bien, qu’ils retissent du lien entre eux. Il faudra faire attention à créer une émulation, des équipes, de la communication… même si les élèves restent loin les uns des autres« . (Caroline. Sur la reprise en présentiel)